J’ai
commencé par m’interroger sur la distance que l’on parcourait
lorsqu’on lisait le roman de Georges Bataille, Histoire
de l’œil. J’ai
découpé le livre, ligne par ligne, j’ai noué chaque fragment
avec des nœuds rouges. J’ai enroulé ces cent trente-deux mètres
autour de mon corps, je me suis emmaillotée ; je l’ai porté
telle une enveloppe, une enveloppe de mots obscènes qui cherchent à
atteindre une certaine transcendance, pour toucher autrement au
mysticisme. J’ai mis cette seconde peau sur un mannequin, je l’ai
allongé : il ressemblait à une relique, une relique de mon
propre corps ?
Pour
m’imprégner davantage du texte, me fondre avec la démarche
spirituelle des scribes ou des moines copistes, j’ai décidé de
recopier des livres à la main, parfois ce sont mes propres textes ;
j’ai redonné une empreinte charnelle à l’écriture, une
certaine sensualité, en réaffirmant l’importance de la
matérialité, trop fragilisée.
J’ai
conservé le système des bandelettes morcelées et nouées, de cette
ligne qui s’enroule telle une spirale, pour former une « Babel
de mots », à l’image de la sculpture Premier
Testament : le moine en moi
(qui est réalisée à partir d’un extrait de la Bible, recopié à
la main) ; elle exprime l’importance du retour au texte et à
la source, le souhait de supprimer les intermédiaires pour puiser
dans le texte d’une manière plus directe et plus profonde. Les
sculptures créées à partir de la Bible ainsi que Momie-moi
avec cent trente-deux mètres de Bataille
font partie de la série «Pour
un amour transcendant tout»