vendredi 8 juillet 2011
Exposition personnelle à la Plus Petite Galerie du Monde (ou presque) à Roubaix (galerie de Luc Hossepied) du 8 au 21 mai 2011
Photographie couleur du carton avec la sculpture Momie-moi avec cent trente-deux mètres de Bataille - Pour un amour transcendant tout (matériaux : livre de George Bataille Histoire de l'oeil - Edition l'imaginaire - Gallimard, fil rouge en coton, scotch) 2005.
J’ai
commencé par m’interroger sur la distance que l’on parcourait
lorsqu’on lisait le roman de Georges Bataille, Histoire
de l’œil. J’ai
découpé le livre, ligne par ligne, j’ai noué chaque fragment
avec des nœuds rouges. J’ai enroulé ces cent trente-deux mètres
autour de mon corps, je me suis emmaillotée ; je l’ai porté
telle une enveloppe, une enveloppe de mots obscènes qui cherchent à
atteindre une certaine transcendance, pour toucher autrement au
mysticisme. J’ai mis cette seconde peau sur un mannequin, je l’ai
allongé : il ressemblait à une relique, une relique de mon
propre corps ?
Pour
m’imprégner davantage du texte, me fondre avec la démarche
spirituelle des scribes ou des moines copistes, j’ai décidé de
recopier des livres à la main, parfois ce sont mes propres textes ;
j’ai redonné une empreinte charnelle à l’écriture, une
certaine sensualité, en réaffirmant l’importance de la
matérialité, trop fragilisée.
J’ai
conservé le système des bandelettes morcelées et nouées, de cette
ligne qui s’enroule telle une spirale, pour former une « Babel
de mots », à l’image de la sculpture Premier
Testament : le moine en moi
(qui est réalisée à partir d’un extrait de la Bible, recopié à
la main) ; elle exprime l’importance du retour au texte et à
la source, le souhait de supprimer les intermédiaires pour puiser
dans le texte d’une manière plus directe et plus profonde. Les
sculptures créées à partir de la Bible ainsi que Momie-moi
avec cent trente-deux mètres de Bataille
font partie de la série «Pour
un amour transcendant tout»
jeudi 7 juillet 2011
Sculptures réalisées avec mes tickets de caisse
Ce que j'avale pour garder la divinité de mon corps en vie
Tickets de caisse (reflétant ce que mange l'auteure), sacs en amidon modifié, fil rouge en coton
Dans
la série "Ce que j'avale", j’ai réalisé plusieurs sculptures avec
mes tickets de caisse, qui sont les témoins de ce que je mange ;
ces créations, qui changent avec le temps (certains tickets pouvant
jaunir ou s’effacer partiellement), tendent à rappeler
l’importance du corps et de ce qu’on avale, des molécules qui
nous constituent, mais elles expriment aussi l’importance de
s’intéresser à ce que l’on mange pour «garder la divinité de
notre corps en vie».
Ce que j'avale : garder la divinité de mon corps en vie (détails)
Exposition à la PPGM (ou presque) du 8 au 21 mai 2011 - Gravures monotypes
Moi je suis un monolithe, je refuse de courir…
Les autres peuvent bien parcourir le monde, dévitaliser leur âme et ramper aux pieds des boutiques… Aujourd’hui la rébellion s’exprime par le fait de rester stable; Bartleby l’avait bien compris dans le roman de Melville, le stylite Saint Siméon avant lui… Il suffit de dire à ce monde qui bouge de laisser les avions cloués au sol plus souvent, de fermer plus souvent les magasins et les stations d’essence, de travailler moins et de boycotter plus un nombre incalculable de produits pour produire une révolution.
L’art devrait être l’incarnation d’une posture, l’affirmation d’une position en réaction contre notre société, refléter une autre manière de vivre, proposer un autre modèle ; sans cette prétention intellectuelle il n’est qu’un produit parmi les autres, un générateur d’objets pour consommateurs fortunés. L’esthétique du jouet dans l’art contemporain, la tendance manga et tout ce qui épouse la mode permet certes de faire briller Versailles… Mais où est la magie, le mystère, l’ensorcellement de l’art ?
Serait-ce le système qui dicterait les lois de l’esthétique ?
Je suis sur la corde raide, la fragilité de mes créations se régale de ce manque de certitude, de cette recherche empirique jamais rassasiée, toujours en décalage…
J’ai tué l’image, trouvé la beauté, banni le kitsch pour revenir à une certaine sobriété poétique.
J’ai supprimé la représentation mais pas la noblesse du sujet; mes créations sont une ode à la lenteur, à un métier perdu : celui de copiste.
Ces morceaux de textes noués au fil rouge constituent une ligne interminable, cette ligne crée une forme, qui souvent se rapproche de l’enveloppe corporelle, parfois du monolithe. Peut-on lier les deux?
J’ai dépassé le second degré, si rassurant, je me suis réfugiée dans le premier, dans l’authenticité et le jusqu’auboutisme d’une démarche pour retrouver l’aura perdue de nos racines intestines. Mes sculptures sont devenues des stèles, des textes réincarnés ; les corps ont été bandés, emmaillotés, sauvés par cette écriture ?
mercredi 6 juillet 2011
Réincarnation - Photographie couleur (2008) - Sculpture portée : Premier Testament - Le moine en moi (2007)
Elle faisait pousser l’herbe
aux gueux, des clématis vitalba, tout autour des bâtiments,
arrachait les fleurs, échevelées et argentées, pour préparer des
potions qu’elle laissait macérer dans des bouteilles opaques ;
elle récupérait le liquide à l’aide d’un vide-bouteille,
l’offrait à ses invités une fois par an ; ivres, ils
s’embarquaient dans sa danse ; pour le sabbat rassemblés, en
douce, ils se laissaient séduire par le désordre de sa chevelure
rousse, qui se mélangeait furtivement aux corps en sueur. Les poules
étaient lâchées, ils venaient tous pour oublier, pour retrouver
son parfum à la vigne blanche, se laisser transporter… Au petit
matin elle partait, seule, les laissait tous rentrer ; personne
n’a jamais vu son visage le jour.
Les hommes, malades, venaient
lui rendre visite quotidiennement, au coucher du soleil. Elle
recouvrait leurs corps avec des bandelettes de papier interminables,
sur lesquelles elle écrivait. Ils retrouvaient ainsi leur origine,
le bonheur d’être emmailloté. Á chaque remède correspondait un
texte particulier.
Elle plaçait parfois des
œufs autour des corps, pour les protéger, les aider à retrouver
leur énergie originelle, celle de ce premier cocon ; elle
envoûtait les esprits avec ses mots. Tous reconnaissaient ses dons
de guérisseuse.
La légende dit aussi qu’elle
envoya jusqu’à sa mort des lettres sous forme de phylactères à
l’homme qu’elle n’a jamais pu sauver, qu’elle avait
aimé ; elle s’entêtait incessamment à le sauver par ce
courrier. Elle disait que ces kilomètres
de texte sans réponse étaient sa raison d’être.
J’ai passé mon enfance dans
cette ferme, j’ai été imprégnée par cette légende.
Nos poules sont rousses, mes
cheveux aussi. J’ai regardé les vaches
offrir leur pitance quotidiennement dans ce lieu d’histoire, de
mémoire, de travail, dans ce lieu étrange, de fabrique pour
l’imaginaire.
Un jour, j’ai découvert des
visages féminins qui apparaissaient au coin des ombres de mes
photographies, j’ai été étonnée de ne pas me reconnaître
lorsque je portais mes sculptures, dans ce lieu. Mon corps a pris peu à peu les
allures de cette femme, sorcière bienfaitrice, elle revient en moi à
travers ma création, revit-elle à travers le souffle haletant de ma
respiration ?
Je me suis identifiée à cette
femme, j’ai trouvé des indices sur sa présence. Ma création fait revivre ses
traces, son corps, je tente de trouver un remède au monde grâce à
ses formules… Et si ces enveloppes
corporelles faites de bandelettes, ces sculptures aériennes, ces
sortes de pierres fragilisées, mais dressées quand même, ces
formes monolithiques étaient comme des intermédiaires entre toi et
notre monde, si c’était ta manière de revenir, ma manière de me
trouver, de te retrouver ?
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