dimanche 27 septembre 2009
Robe cocon - Ce que j'éponge (détails) - 2007 - Création de textes à partir d'émissions radiophoniques retranscrites et retravaillées.
Cette série de créations s’intitule « Ce que j’éponge » : il s’agit de sculptures créées à partir de d’émissions entendues à la radio ou à la télévision, retranscrites sur le vif puis retravaillées, et qui sont des témoins de ce que le corps absorbe. Cela permet de se mettre dans une posture où on s’arrête, pour être dans une écoute totale et une lutte acharnée afin de retenir le flot de paroles, une parole toujours en mouvement, discontinue et imparfaite, qui nous nourrie quotidiennement. Ces créations se rapprochent formellement des amphores, elles font également référence à Diogène et expriment le repli sur soi (nécessaire pour se trouver et s’ouvrir aux autres ?).
Qu’est-ce qui vous surprend ?
Elle est légère, fragile, belle, impudique, étonnante ; elle est le fruit d’une obsession savamment orchestrée.
Ces points de suture, cette écriture, ce texte qui parcourent les bandes, qui construisent l’architecture de l’objet, forment la structure d’une robe-ouverte, un livre qui aurait ôté sa couverture, mis à mal son format classique, qui aurait laissé son contenu s’étaler en transformant la superposition des pages en surface.
J’ai réappris à lire sur son corps en parcourant le chemin de ces enveloppes corporelles sur sa peau. Mes yeux n’étaient plus les seuls à se mouvoir de gauche à droite ; mon corps s’est mis à bouger, à suivre les lignes, j’ai dû inventer une danse.
Les nœuds me gênaient, coupaient le chemin, me rappelaient sans cesse que le texte était fractionné, que les phrases avaient été construites, découpées, réparées ; le fil et l’écrit nous reliaient, à elle, à nous, ils tissaient des liens entre cet ailleurs et nous.
Tu me regardais écrire, repasser la première écriture, le soir tu me passais de la pommade : le stylo imprimait sa marque sur ma peau ; mes doigts rougissaient, je les poussais à bout, ils finissaient par rendre visible le frottement incessant.
Je concentrais toute mon énergie sur mes phalanges, tout mon amour du texte, mon amour de la matérialisation d’une parole trop mouvante, trop changeante, trop vive, imparfaite.
Je la stabilisais, je la retenais en la fixant grâce à l’écrit.
Les livres rencontraient une nouvelle forme, je les re-matérialisais à ma manière ; le geste de mon écriture se greffait parfois sur le texte, il gardait l’empreinte de cette intimité retrouvée, lui qui était d’ordinaire si froid dans sa forme.
Mon écriture, toujours prête à partir, penchée, rendait charnelles ces pages présentées à la machine ; le temps passé avec le livre, devenu visible, s’exhibait en tant que tel.
Le sens était-il différent avec la modification de la forme ?
Je m’interrogeais, tu me répondais que oui, tu me disais que nous ne lisions pas un texte de la même manière lorsqu’il était ainsi fractionné, personnalisé, tronqué par des nœuds, mis en ligne, lorsque nous devions tourner autour pour accéder à sa révélation. Tu m’avais dit que ces objets, sur lesquels il fallait se pencher pour pouvoir lire, qui aimantaient le spectateur en l’incitant à se rapprocher, t’emmenaient dans le monde étrange du temps matérialisé, du temps qui s’allonge, s’impose, qui prend forme et exhibe sa sensualité inhérente à son mode de fabrication. L’acte de la répétition nous sautait aux yeux, c’était le temps du « faire », qui se transformait en temps suspendu…
Et toi tu cherchais la raison pour laquelle j’avais préféré transférer toute mon énergie dans ces objets à la recherche d’une autre transfiguration...
J’avais mis la peau du moine pour recopier ces lignes, passer du temps avec elles et voir défiler les lettres, créer cette union improbable entre mon écriture et le texte choisi : c’était une manière de me l’approprier.
Tu découvrais l’aspect aérien de ces sculptures qui portaient en elles cet engagement démesuré, hors-cadre, flottant sur l’ordinaire de nos vies.
B. Roffidal
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