Texte de la publication :
Je ne sais pas concevoir mes
sculptures autrement que par le biais de cette fragilité, un découpage
permanent, ressoudé jusqu’à l’obsession, avec des barres de fer en déséquilibre
et ce matériau instable qu’est le papier, cette écriture manuscrite bancale,
avec laquelle je prends des risques à chaque fois que je me lance, le risque de
parcourir un long trajet et de m’engager jusqu’au bout, de donner autant de
temps et d’amour à quelque chose d’incertain, parce que j’ai oublié de croire à
la sûreté.
N’est-ce pas la magie de cette
résidence, d’être simplement et fortement là, habitant des lieux, imprégné de
cet endroit… J’ai commencé par poser mes chaussures, marcher pour palper
l’instabilité du sol ; j’ai su très vite que j’aurais souvent envie de
m’asseoir et de rester là, que cette stabilité me donnerait toutes les clés,
pour construire mon installation.
Dans le film Stalker, Andreï Tarkovski fait dire à un de ses personnages :
« L’essentiel est qu’ils croient en
eux-mêmes, et deviennent fragiles comme des enfants. Car l’homme, en venant au
monde, est faible et souple. Quand il meurt, il est fort et dur. (…) La souplesse et la faiblesse expriment la
fraîcheur de la vie ; ce qui est dur ne vaincra jamais. » J’ai cloué
les répliques de ce film sur le mur d’une des pièces du presbytère ; les
plus longues, celles qui laissent cheminer la pensée, dépassent des barres
métalliques posées au sol. En rassemblant tous les bougeoirs dans la dernière
pièce, j’ai fait un vœu : garder la fragilité de l’enfant en devenir que
je suis, qui sait malgré tout où il doit être, a conscience de la
responsabilité de ses pas…
Loin des murs blancs trop souvent offerts aux plasticiens, on explore toutes ces fissures et les traces restantes, on s’approprie celles qui nous gênent, on laisse les autres intactes… On pense à celui qui n’en a laissé aucune de tangible, qui pourtant occupe encore toutes les pièces : le curé Péneau, qui a vécu dans ces lieux pendant trente-cinq ans. J’ai imaginé le cilice qu’il aurait pu porter, je l’ai fabriqué avec du carton ondulé prédécoupé que j’ai assemblé, à l’intérieur duquel j’ai introduit une bande de texte amovible, comme si lui-même avait glissé ses réflexions dans ce vêtement dissimulé, souterrain, et l’avait renouvelé en changeant ces mètres de texte.
Loin des murs blancs trop souvent offerts aux plasticiens, on explore toutes ces fissures et les traces restantes, on s’approprie celles qui nous gênent, on laisse les autres intactes… On pense à celui qui n’en a laissé aucune de tangible, qui pourtant occupe encore toutes les pièces : le curé Péneau, qui a vécu dans ces lieux pendant trente-cinq ans. J’ai imaginé le cilice qu’il aurait pu porter, je l’ai fabriqué avec du carton ondulé prédécoupé que j’ai assemblé, à l’intérieur duquel j’ai introduit une bande de texte amovible, comme si lui-même avait glissé ses réflexions dans ce vêtement dissimulé, souterrain, et l’avait renouvelé en changeant ces mètres de texte.
Je me suis dit en déposant mes
aiguilles et mes clous : au pire, j’aurais pu réaliser juste une installation dans un lieu magique ;
au mieux on peut créer et faire des rencontres avec des personnes qui vous
donnent leur confiance, qui sont authentiques et vous font grandir…
C’est le meilleur qui m’est arrivé.
B.R.